- HAZARA
- HAZARAHAZ RATroisième groupe ethnique d’Afghanistan par leur importance numérique, les Haz ra sont estimés à plus d’un million et demi, soit environ 10 p. 100 de la population totale. De race mongoloïde, ils seraient, selon la légende, des descendants des armées de Genghis Kh n, laissées en stationnement dans le massif de l’Hindou Kouch après la conquête mongole (1221). Toutefois, comment pareil envahisseur aurait-il pu installer ses combattants dans des régions aussi pauvres et difficiles d’accès? Pourtant, le terme même d’haz ra, qui en persan (haz r ) signifie mille, correspond à l’unité de l’armée mongole composée de mille soldats; selon la tradition, le terme désigne également les mille tribus qui composent cette ethnie installée dans les montagnes du centre de l’Afghanistan. Il n’est pas permis, malgré des traits physiques très marqués, de rattacher d’une manière définitive les Haz ra aux Mongols des invasions. Leur dialecte, l’haz ragi, appartient au groupe persan d’Afghanistan ou dari, dont il se distingue par une structure simplifiée, par l’emploi de mots et de tournures grammaticales propres.Divers groupes se présentent comme Haz ra. Il y a d’abord les Haz ra d’Haz radj t, qui constituent le groupe le plus important: ce sont des paysans sédentaires, installés dans les régions situées au sud de la chaîne du Koh-i-Baba. Ils se divisent en trois sous-groupes: Dai Kundi, Dai Zengi et Behsoud. Ensuite viennent les Haz ra du Koh-i-Baba; proches des premiers, ce sont des agriculteurs et des éleveurs; ils pratiquent la transhumance pendant l’été et séjournent dans l’ailak ou hameau d’estivage. Quant aux Haz ra Sheikh-Ali, ils vivent dans les vallées à l’est de B miy n; ils sont ismaéliens (à la différence des deux premiers groupes qui appartiennent à la secte des musulmans sh 稜‘ites), pratiquent le semi-nomadisme et s’abritent sous un type de tente proche de la yourte. Les Haz ra du Badakhch n constituent un petit groupe semi-nomade, mal connu et isolé au milieu des populations tadjikes du nord-est de l’Afghanistan. Ceux que l’on appelle les Haz ra-Berberi sont apparentés au premier groupe et vivent en Iran au sud-est de Mesched; sédentaires, ce sont des musulmans sh 稜‘ites. Enfin, les Haz ra-Aïmaq forment un groupe à part, proche des Aïmaq, ainsi que les Haz ra-Taimani; ces deux groupes sont musulmans sunnites. Quant aux Haz ra du Swat, dans le nord du Pakistan, rien ne permet, malgré le nom qu’on leur donne, d’affirmer qu’ils sont des Haz ra.Qu’ils aient ou non été autrefois des nomades, les Haz ra ont adopté la culture et le mode de vie des groupes ethniques iraniens auxquels ils se sont mélangés. Contrairement aux Tadjik qui ne présentent aucun trait d’organisation tribale, les Haz ra offrent encore des traces de tribalisme; ainsi en témoignent les noms des groupes de tribus (Dai, Jaghuri, Lal, Sahristan); de même, autre indice, les chefs des tribus ou sous-tribus réparties en provinces portent le titre de mir , arbab , beg ou khan . Ce dernier titre est souvent donné au chef d’un village ou d’un hameau; tous les fils d’un chef peuvent en hériter. Le mir réside généralement dans un qala ou ferme fortifiée. Pour maintenir l’unité du groupe ou du sous-groupe ethnique, le mariage de type endogame est pratiqué entre cousins parallèles. Les Haz ra sont de descendance patrilinéaire et de résidence patrilocale; après les noces, la femme vient vivre dans la maison de son mari ou de ses beaux-parents. Une femme divorcée, chose rare, peut éventuellement retourner dans son clan. Il en est de même pour une veuve; toutefois les enfants du défunt devront rester auprès des parents du père. La polygamie étant permise, il est fréquent que les deuxième, troisième ou quatrième épouses soient d’un mariage exogame. Toute forme de mariage entre cousins est permise, à l’exception de la polygynie sororale. Bien que la famille de type nucléaire soit très répandue, il est d’usage que tous les fils vivent sous le toit du père. Si le territoire et les liens de parenté interviennent dans les échanges matrimoniaux, les exigences varient en fonction des groupes et sous-groupes considérés. Elles prennent d’autant plus d’importance que le pouvoir des tribus s’affaiblit et que le déplacement des Haz ra vers les milieux urbains progresse. Sédentaires, les Haz ra habitent dans leurs villages toute l’année. Ces villages sont la plupart du temps situés dans des vallées profondes et étroites, ce qui rend l’agriculture difficile. Les cultures intensives avec irrigation (abi ) sont installées sur de petites parcelles cultivées en terrasses. Elles donnent l’essentiel des récoltes (blé, orge, fève, maïs et pommes de terre), auxquelles s’ajoutent les récoltes des cultures sèches (lalmi ), étalées sur les versants des montagnes ou les hauts plateaux. Là où la vallée s’élargit, le cours d’eau et les chemins sont bordés de peupliers, de mûriers et de noyers. Arides, les montagnes environnantes se couvrent, au printemps, de pâturages. Pendant l’été, les hommes vont y ramasser les broussailles qui servent de combustible. La petite propriété étant la forme de possession la plus répandue, l’habitat des Haz ra est généralement dispersé. Les hameaux dominent les cultures alignées au bord des torrents. La plupart des villages sont couronnés d’une imposante ferme fortifiée, ouverte sur une cour intérieure. De forme rectangulaire, celle-ci est flanquée de tours à chaque angle, et ses murs peuvent atteindre jusqu’à 15 mètres de hauteur. Tout autour sont groupées des habitations basses et semblables à des cubes faits de torchis, les toits en terrasse servant à entreposer fourrage, récoltes et combustible nécessaires aux hivers longs et rigoureux. Dans ces régions montagneuses, le thermomètre descend fréquemment au-dessous de — 30 0C. Le combustible est fait de galettes de fumier séchées au soleil. L’eau, étant la condition première de la vie économique haz ra (irrigation et force motrice du moulin), est partagée entre chaque famille par le mir-ab ou chef des eaux. La base de l’alimentation est le pain (nan ) et les produits laitiers. L’artisanat des Haz ra est assez peu varié: tissus de laine (barak ), tapis tissés ou gilim fabriqués par les femmes. Dans les marchés ouverts deux fois par semaine, le paysan peut faire appel au forgeron et au savetier, et acheter sel, thé, sucre, pétrole et allumettes. En pays haz ra, le moyen de transport le plus répandu est l’âne. Pendant l’été, les Haz ra peuvent acheter aux nomades pashtouns coupons de tissus, ustensiles de cuisine, munitions lors des grands marchés annuels tenus par ces mêmes nomades.Les rapports avec les nomades, qui transhument plus de quatre mois en Haz radj t, sont très tendus. À la haine de deux communautés religieuses s’ajoute un racisme interethnique déjà ancien. Sh 稜‘ites, les Haz ra sont depuis longtemps considérés comme un élément hostile et hérétique par le reste de la population afghane, qui est sunnite; au XIXe siècle, les Ouzbek sont partis plus d’une fois en guerre de religion contre eux. Mais la religion est surtout un prétexte pour accaparer leurs terres, les imposer et les asservir. Jusque vers 1880, les Haz ra ont conservé leur autonomie et repoussé les incursions des tribus pashtounes dans les montagnes du centre de l’Afghanistan. Mais, après de durs combats, l’émir ‘Abd al-Rahm n les soumit et distribua une partie de leurs terres aux nomades pashtouns. C’est à cette époque que nombre d’Haz ra se réfugièrent en Iran, au Pakistan, voire en Irak. Après l’amnistie d’Hab 稜b All h Kh n, leur situation s’améliora. Toutefois, ceux qui aujourd’hui viennent vivre à Kaboul, où ils constituent d’importantes communautés, travaillent dans des emplois subalternes ou exercent ce qu’il est convenu d’appeler des petits métiers.
Encyclopédie Universelle. 2012.